La biométrie, ou l’art de mesurer les vivants

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Dans un monde marqué par l’avènement des nouvelles technologies et l’omniprésence du danger, la cybercriminalité s’est d’ores et déjà imposée comme une nouvelle menace 2.0 capable par exemple de paralyser les plus grandes compagnies à l’aide de ransomwares. Parmi ses faits d’armes déjà nombreux, on retrouve notamment le vol et l’usurpation d’identité, délits auxquels s’exposent nombre d’utilisateurs imprudents. Pour lutter contre ce phénomène, nous avons besoin de garantir de mieux en mieux la sécurité de notre identité. C’est là que la biométrie entre en scène.

Mais déjà, c’est quoi, la biométrie ? D’un point de vue étymologique, c’est une combinaison des noms grecs bios, la vie, et metron, la mesure. Son sens littéral est donc la mesure du vivant. Ce mot est né au cours du siècle dernier pour caractériser l’étude des êtres vivants, d’un point de vue essentiellement mathématique. Le XXIème siècle a vu son sens se restreindre à celui d’identification des personnes via certaines de leurs caractéristiques biologiques ou comportementales.

La question qui vient est donc de savoir quelles caractéristiques peuvent être utilisées pour concevoir un appareil biométrique. La plupart d’entre vous auront naturellement pensé aux empreintes digitales et à l’iris, qui sont, après tout, les deux caractéristiques les plus utilisées. Les reconnaissances faciale et vocale viennent également s’ajouter à cette liste, ainsi que les veines de la main. Plus récemment, des travaux sont menés sur la potentielle utilisation du cœur et du cerveau en biométrie, et même de caractéristiques comportementales telles que la fréquence de frappe au clavier ou la signature. En fait, n’importe quelle caractéristique pourrait être utilisée à condition de respecter les sept facteurs suivants :

  • Universalité : la caractéristique doit naturellement être présente chez tous les êtres humains.
  • Unicité : elle est propre à chaque individu.
  • Permanence : elle n’est pas affectée par le temps (sinon très peu).
  • Mesurabilité : elle doit être relativement facile à mesurer.
  • Performance : l’appareil doit être rapide et précis.
  • Acceptabilité : la société doit accepter l’utilisation de l’appareil.
  • Contournement : il doit être difficile d’imiter la caractéristique.

Il y a plusieurs choses à savoir sur l’utilisation d’appareils biométriques. La première est que l’utilisateur devra se soumettre à une phase d’enregistrement relativement longue qui permettra à l’appareil de créer un modèle fidèle de la caractéristique étudiée et de le stocker dans sa base de données. Par la suite, l’appareil ne réalisera que des captures rapides qu’il viendra comparer au modèle. Par exemple, sur certains smartphones pouvant se déverrouiller par le biais des empreintes digitales, il faut d’abord enregistrer soigneusement son empreinte pour pouvoir par la suite déverrouiller son appareil d’une simple pression. La seconde est qu’un outil biométrique peut fonctionner selon deux modes bien distincts : un mode « vérification » et un mode « authentification ». Le premier compare l’échantillon comparé à un modèle pour répondre par oui ou non à la question « L’échantillon correspond-il au modèle ? ». Le second compare l’échantillon à un grand nombre de modèles pour répondre un nom à la question « A quel modèle correspond cet échantillon ? ».

Le développement de la biométrie s’accélère à travers le monde, notamment dans la région asiatique. Les algorithmes d’identification deviennent de plus en plus précis et performants, tout particulièrement grâce aux avancées connues par l’apprentissage profond et les algorithmes adaptatifs. En Inde, le gouvernement l’utilise déjà pour fournir des services publics aux citoyens sans qu’ils aient besoin de se déplacer. Les données relatives aux empreintes digitales, aux iris et aux visages de 500 millions de citoyens indiens sont ainsi déjà stockées sur Aadhaar, la plus grande base de données biométriques au monde. Le gouvernement vise dans les années à venir à augmenter ce nombre à 1.2 milliard, en enregistrant les données de l’intégralité de la population indienne.

Bien que la biométrie puisse s’avérer très utile, il est donc légitime de se demander si elle ne présente pas des inconvénients. Et bien sûr, elle en a ! D’abord, certains s’inquiètent de l’atteinte qu’elle porte à la dignité humaine, car elle peut être considérée comme profondément déshumanisante dans la mesure où elle convertit les individus en une simple liste de paramètres. Elle peut potentiellement porter atteinte à la vie privée : bien que ce ne soit pas là son but, elle peut éventuellement révéler certaines maladies ou autres informations qui pourraient être utilisées pour discriminer certaines personnes. A une échelle plus grave encore, nous pouvons prendre l’exemple du gouvernement chinois qui utilise la reconnaissance faciale pour identifier et punir les auteurs de certains délits mineurs, comme le fait de traverser en dehors des passages piétons. Cela implique de déployer un grand nombre de caméras sur le territoire. Sur le long terme, chaque individu pourrait être identifié partout sans le savoir, et, pire encore, contre son gré, sans même aborder l’éventualité d’une surveillance permanente par abus de pouvoir. D’un point de vue plus pratique, le problème des appareils biométriques est que, contrairement aux mots de passe, leurs données sont permanentes. Il est aussi difficile d’oublier ses empreintes digitales que de les changer ! Si jamais un criminel trouvait le moyen de s’emparer de vos données biométriques, il deviendrait impossible de lui faire perdre l’accès à l’appareil sans vous priver vous-même de cet accès. Allons encore un peu plus loin : de manière presque absurde, la biométrie est tellement sûre que le meilleur moyen pour un criminel de s’emparer des données est de prendre en otage sa victime, exposant ainsi les utilisateurs à encore plus de danger !

Pour conclure cet article, je dirai donc que la biométrie a un avenir radieux devant elle. Toutefois, des mesures devront être prises pour limiter les risques d’abus. Ainsi, elle pourra être accepté et utilisée par le monde entier.

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